Depuis des millénaires, quand l’homme travaille le raisin il obtient le vin. Puis quand il travaille le vin, il obtient le vin aigre, le vinaigre. Le premier complice de cette transformation est l’air. Aussi, on ne s’étonnera pas de devoir les premiers vinaigres aux premiers fûts de vin accidentés durant leur transport ! (*)
L’air libre contient des bactéries qui forment une pellicule sur le vin. On l’appelle la mère du vinaigre (fermentation acétique).
Mais on ne fait pas de bon vinaigre sans un bon vin... et un bon air !
Fabien Weiss a choisi le sien : ce sera l’air magique de la forêt de Brocéliande.
Bud fait partie de ces bien heureux qui après maints détours et maintes escales, se retrouvent enfin au bon endroit pour faire ce qu'ils avaient à faire. Installé à la lisière de la forêt mythique, il joue depuis cinq ans avec le temps qui passe. "Je n'aime pas ce qui stagne" confie-t'il, en s'affichant comme un "élaborateur" hors du temps et de l’espace.
Paradoxe pour un maître de la fermentation à priori statique ? Que nenni, il veille sur ses savants mélanges en constante mutation, comme un jongleur d'assiettes en équilibre sur une forêt de tiges mouvantes.
Au gré de ses ajouts d'épices, de fruits, de plantes, tous chargés d'un symbolisme quasi ésotérique, naissent vinaigres, moutardes, mais aussi sirops, spiritueux et bien entendu hypocras, aux noms aussi énigmatiques qu'ils sont délicieux : Segotinco, Vernemetis...
Car Bud est un poète en tee shirt Motörhead
"Chaque pas doit être un vers", chuchote t'il sur un fond de Rage Against the machine.
Tout en lui témoigne de la composition subtile et maîtrisée d'une précision rigoureuse avec une créativité débridée. Comme l'abeille dont il fait son emblème, il traverse le visible et l'invisible. Comme les arbres légendaires qui l'entourent, il s'ancre puissamment pour mieux s'élever en rites éthérés, voire cabalistiques, qu’il nous fait découvrir comme un jeu de piste, d’une étiquette à l’autre.
Un breton voyageur...
De rêves en révélations, de marais en alignements de menhirs, Fabien Weiss a enfin trouvé sa patrie : la Bretagne. Une famille même, aux alentours de Josselin : La Fabrique réfractaire, association alternative aux vocations d’échange de savoir faire, d’entraide et d’émancipation.
"Un groupe d'individualistes" comme il en plaisante. Un sens du partage qui pourrait l'entraîner jusqu'en Russie visiter un autre seigneur qui y règne en maître : le bouleau, "pilier du monde", dont la sève fait un savoureux vinaigre.
"Nos contemporains ont perdus le goût de l'amertume et de l'acidité.
J’utilise le sucré (miel) comme à l’antiquité où il était rare, comme un symbole de divin et de pureté et non ce que l’ère industrielle (19ème) en a fait : une jouissance éphémère et profane.
propos recueillis par mY - les Enchanteurs juillet 2021
(*)ndr De l'antiquité au Moyen Age, le vin était acheminé principalement sur des barges où les fûts subissaient régulièrement des dommages pendant leur transport. Le vin éventé était monnaie courante. Il est amusant de constater que la ville d'Orléans qui fut la capitale mondiale du vinaigre pendant plus de deux siècles, et qui donne encore son nom à l'une des principales méthode de fabrication, n'a jamais été réputée pour ses vignobles, mais plutôt comme une plate forme fluviale majeure^^